lundi 12 mai 2014

Courrier international réforme la France

Dans son numéro n° 1227 du 7 au 14 mai 2014, Courrier international nous propose un dossier sobrement intitulé « Valls attaque !», consacré à la politique du nouveau Premier ministre français. Le dossier est composé de neuf articles de grands titres de presse européens et américains. 

Morceaux choisis :

« Une myopie très française », Lorenzo B. de Quirós, El Mundo, Madrid

« La France, conservatrice dans l’âme, est abonnée à l’immobilisme.Manuel Valls doit la faire entrer dans l’ère de la mondialisation. »

« Le mal français tire son origine du consensus social-étatiste en vigueur dans l’Hexagone. Un tel consensus a empêché la France de concevoir et d’appliquer un projet global et cohérent de modernisation, et ainsi d’adapter le pays au monde né de la mondialisation et de la fin de la guerre froide. Le discours des socialistes et des conservateurs a fait de l’immobilisme un étendard. Les uns et les autres ont défendu à outrance le statu quo, au nom de l’exception française ou de la politique de grandeur, ces faux talismans en vertu desquels le modèle socio-économique en vigueur serait enfermé dans une bulle de protection, immunisé contre tout ce qui se passe à l’extérieur. Une vision bien singulière de la France éternelle. Cette myopie est devenue une maladie chronique. Derrière sa façade toujours imposante, la France est aujourd’hui le malade de l’Europe. »

« Dans un tel contexte, le remaniement ministériel et la nomination de Manuel Valls n’auront d’utilité que si la France met en place des réformes radicales ou si celles-ci sont imposées par l’UE. »

« L’homme de la situation », The New Yorker, New York

« Il est impressionnant - ce qui est inhabituel pour un homme politique français, pour un homme politique en général - dans sa façon d'être féroce et intelligent, de ne pas faire de compromis et de manier le franc-parler, même s'il manque un peu d'humour. »

« l'Etat français est en surpoids »

« Attention : Montebourg est toxique », Gesche Wüpper, Die Welt, Berlin

« Le comportement de Montebourg est dangereux. Car ses attaques verbales publiques contre les entreprises effraient les investisseurs étrangers – et augmentent ainsi le risque que la France perde encore de son attractivité et devienne la risée des marchés internationaux. »

« les dirigeants politiques français feraient mieux de ne pas s’en mêler. Au cours des dernières décennies, ils n’ont pas été capables d’améliorer la compétitivité des entreprises en réformant le marché du travail ni de promouvoir de grands conglomérats industriels et des alliances à l’échelle européenne. »

« Alstom, emblème du déclin », Christian Schubert, Frankfurter Allgemeine Zeitung, Francfort

« La protection de l’Etat contre une reprise étrangère n’est pas la solution. Pour maintenir l’emploi, il faut avant tout un environnement favorable. La participation de fonds de pension privés – dont on débat depuis des années – pourrait permettre de renforcer les entreprises françaises. Le gouvernement commence seulement à s’inquiéter de la compétitivité de la France. »

« Non, la France n’est pas le malade de l’Europe », Huw Pill, Financial Times, Londres

« Le pays a bel et bien besoin d’une restructuration de fond. »

« Le manque de discipline fiscale fait planer les dépenses publiques à des altitudes où elles ne pourront pas rester indéfiniment »

« Des choix politiques intenables mènent inévitablement à la crise »

« Même de notre point de vue, plus optimiste, il ne faut pas s’attendre à ce que des réformes économiques rapides transforment l’économie française du jour au lendemain. »

« L’environnement favorable au financement de la dette souveraine française apporte un bol d’air propice à un ajustement graduel »

« Les arguments qui plaident en faveur d’un ajustement graduel sont forts. »

« les autorités françaises ont fait davantage que ce que l’on veut bien leur reconnaître : les réformes du marché du travail entreprises il y a un an ont apporté plus de flexibilité aux entreprises. Il est vrai qu’elles effleurent à peine des questions politiquement plus sensibles et économiquement plus cruciales, comme la baisse des allocations chômage de longue durée, la réduction du nombre d’emplois publics, la réaffectation des ressources entre secteurs économiques et pas seulement au sein des entreprises. Mais il faut bien commencer quelque part. En France, réformer reste une affaire qui soulève les réticences et se mène dans les coulisses de la scène politique. La seule option politiquement viable est d’agir furtivement. »

« Une restructuration macroéconomique ne portera ses fruits que dans un avenir lointain, mais les acteurs du marché doivent être conscients de l’intérêt de ces réformes – même si elles sont appliquées sans la fanfare à laquelle elles auraient droit dans le monde anglo-saxon. La seconde raison d’être optimiste, c’est que l’Etat français a beau être trop gros, il possède la capacité institutionnelle de mener à bien des réformes une fois trouvé le courage politique de les mettre en branle. »

« Il ne s’agit pas de verser dans la naïveté : il y a beaucoup à faire. Les récentes déclarations de François Hollande montrent qu’il comprend les difficultés à surmonter. Mais les mots ne suffisent pas, il faut agir. (...) La confiance des Allemands dans la volonté et la capacité de la France à réformer – et à en assumer les conséquences économiques et politiques douloureuses – doit être rétablie. Or, pour cela, les promesses ne suffisent pas, il faut des résultats. »

« La tragédie du retardataire », Christian Wernicke, Süddeutsche Zeitung, Munich

« Durant ses longues années de présidence, la droite – sous Jacques Chirac et sous Nicolas Sarkozy – n’a pas osé prendre les mesures d’économie nécessaires à la rénovation du pays qu’elle appelle aujourd’hui (un peu facilement) de ses vœux. »

« Il a nié les problèmes structurels qui accablent la France : l’inertie de l’Etat, la bureaucratie, la dette. Et il s’est laissé aller à des promesses de Gascon, comme si une aube nouvelle pouvait poindre grâce à lui jusqu’à illuminer toute l’Europe. Que faire ? Le président le sait parfaitement, et ce depuis des années. Un jour, il y a de cela près de cinq ans, ce tacticien notoire a même eu le courage de le dire ouvertement. A l’été 2009, au plus fort de la crise financière mondiale, François Hollande a prévenu ses camarades du parti socialiste que, faute de réformes courageuses, le pays s’exposait à une longue période de vaches maigres. Il a mis en garde contre tout retour au dirigisme, a fustigé la fuite en avant de la dette publique, la qualifiant de dérive. A la place, il a prêché ce qu’il ose enfin mettre en pratique aujourd’hui : un accroissement des investissements dans la recherche et l’éducation et un allègement des charges pour les entreprises, dans le but de stimuler l’emploi. Le drame de François Hollande est d’avoir refoulé ses propres prises de conscience à son arrivée au palais de l’Elysée. Il a laissé s’écouler vingt mois avant de faire sa mue de socialiste en social démocrate. »

« Mitterrand aussi avait gâché les deux premières années de sa présidence, avant de mettre la barre à droite »

« Quand bien même il mettrait en oeuvre ses projets de redressement de l’Hexagone, il faudrait du temps avant qu’ils fassent effet et que le chômage reflue. Gerhard Schröder, le chancelier réformateur, en a fait l’expérience. »

« La signature du “capitaine” », Le Temps

Rien sur la politique économique, seulement une "analyse" conquise du style lexical de Manuel Valls.

« Faire ses devoirs », El País

« Les socialistes français sont allés jusqu’au bout de leur méthode favorite pour lutter contre le défi cit public : l’augmentation des impôts. (...) En l’absence de toute nouvelle marge de manœuvre sur les recettes (…), il ne restait au gouvernement que le recours à d’ingrates coupes dans les dépenses. (...) [La France] doit faire ce que tous [en Europe] ont fait, tenir ses promesses d’assainissement des finances publiques. (...)  [La France] manque de légitimité tant qu’elle n’a pas fait ses devoirs. »

« A la reconquête du peuple », Aftonbladet

Introduction de Courrier international : 
« Le Parti socialiste tente de reconquérir les travailleurs, massivement tombés dans l’escarcelle du Front national. »

Article : 
« Reste à savoir si cela suffira à contrer les fascistes européens. »

Conclusion

Les neuf articles composant ce dossier - lorsqu’ils ne louent pas son « style lexical », ou ne confondent pas opportunément critique de l'Union européenne et extrême droite - pressent Manuel Valls d’accélérer les « réformes indispensables ». De droite, forcément. On peut questionner l'utilité de confronter neuf articles tous d'accord, là où un seul article du journal libéral britannique The Economist aurait fait l'affaire. 

Ce dossier à sens unique n'est pas le premier du genre, comme je l'ai déjà relevé pour Acrimed en mars, puis en mai 2014.

La « confrontation des points de vue » promise par Courrier internationale se fait décidément de plus en plus rare.

Jérémie Fabre


Sources utilisées :

• Dossier « Valls attaque !», Courrier internationaln° 1227 du 7 au 14 mai 2014.

• « Qui sommes nous ? », Courrier international

2 commentaires:

  1. Ah donc tu appuies tes propos en te donnant toi même comme référence?
    Et ça donne des leçons aux médias?

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  2. Cette blague ! Je n' « appuie » pas mes propos, mais je montre que ce n'est pas la première fois que Courrier international est pris la main dans le sac. Or c'est moi qui ai écrit ces articles aussi. Les seuls sur le site web d'Acrimed, comme tu peux le voir.

    Aucun rapport avec les médias.

    Au moins ton commentaire est-il distrayant, à défaut d'être pertinent...

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